Personnes intersexuées: Le long combat pour la visibilité au Cameroun

Du 18 au 19 mai 2024, les associations Intersex Nigeria et CRD Femmes Debout ont organisé un atelier qui avait pour but de partager les stratégies adéquates pour la prise en charge des personnes intersexuées dans les hôpitaux, sensibiliser sur les dangers des mutilations génitales intersexuées et édifier les participants sur les variations sexuelles etc.

Il est à peu près midi, samedi 18 mai 2024, quand une personne présentant une physionomie à priori masculine s’avance d’un pas alerte vers les premières places de la salle de conférence de l’hôtel Safyad, dans le 4e arrondissement de Yaoundé. Quelques pas plus loin,  elle stoppe sa progression lorsqu’elle rejoint l’espace qui sert lieu d’estrade. Elle se retourne, et laisse découvrir son visage. L’attention de l’assistance est immédiatement captivée par une protubérance qui orne sa poitrine. «Il s’agit de véritables  seins», lance l’intéressé, qui dit s’appeler Claude. Bien qu’ayant été édifiée en tout début de matinée  sur les généralités liées à l’intersexualité, le public qui était composé de journalistes, de personnels de santé, de tradi-praticiens, d’autorités traditionnelles ne peut refréner sa curiosité, que Claude s’empresse de satisfaire. De son discours, l’on retient que c’est une personne intersexuée qui a développé des caractères sexuels mâle et femelle, notamment des seins.

Cette différence, visible dès sa plus tendre enfance, précisément au niveau de son appareil génital qui présente une ambigüité [développement d’un pénis et d’un semblant de vulve] a poussé ses parents à l’abandonner vers l’âge de 12 ans. La suite de son histoire est parsemée de violences, de rejet et d’humiliations. Battu à plusieurs reprises en raison de sa condition, Claude qui se considère comme un homme à part entière, a trouvé de la sérénité dans les bras de sa compagne avec qui il a deux enfants. Toutefois, ce léger regain de bonheur dans une existence empreinte de difficultés, a un goût d’inachevé. Il aimerait pour parachever sa reconstruction être légalement reconnu comme un homme. En effet, confrontés à l’ambivalence de son appareil génital, ses parents ont choisi, au moment d’établir son acte de naissance, de l’enregistrer comme une fille.

Plaidoyer

Claude, Marie-Joëlle ou encore Bijou, qui ont abreuvé les participants à l’atelier susmentionné de récits qui illustrent parfaitement les dangers de l’intolérance, sont les visages d’une frange de la population camerounaise qui vit parfois dans l’illégalité car leurs titres d’identités sont en inadéquation avec le genre qu’ils ont adopté dans la vie courante. Leur donner la parole lors dudit  atelier, organisé par les associations Intersex Nigeria et CRD Femmes Debout, a permis de se rendre compte de l’urgence d’entamer, à tout le moins, le débat autour de cette quête d’identité, mais également de la nécessité d’adopter des comportements non violents face à certains phénomènes qui dépassent l’entendement commun. Sous la houlette de Theo Dongmo, consultant et formateur, ces travaux organisés dans le cadre de la mise en œuvre du projet Viral (Projet initié par Intersex Nigéria) pour lutter contre les mutilations génitales faites aux personnes Intersexes au Cameroun et au Nigéria, visaient des objectifs multiples. Notamment : sensibiliser sur les bons comportements à adopter face aux personnes intersexués, partager les stratégies adéquates pour la prise en charge des personnes intersexuées dans les hôpitaux ; édifier les médecins et tradi-praticiens sur la nécessité de ne pas toujours conseiller l’opération en cas d’ambiguïté sur le sexe d’un enfant intersexué ; sensibiliser sur les dangers des mutilations génitales intersexuées et édifier les participants sur les variations sexuelles.

Ils interviennent quelques mois après une étude sur la communauté intersexe au Cameroun réalisée par  Intersex Nigeria, CRD Femmes Debout et Osiwa, dont le rapport a été présenté lors de l’atelier susmentionné. Cette dernière avait pour but de faire l’état des lieux de la situation des personnes intersexuées au Cameroun, mais également de la perception et des mythes liés à leur condition particulière, ainsi que la prévalence des mutilations génitales. 1 013 personnes réparties en plusieurs corps de métier à travers le territoire Camerounais ont  été interrogées, afin de constituer une base de données sur les personnes intersexuées, dans un pays où il n’en existe pas. «⅓ Des personnes intersexuées interrogées n’ont pas de pièces d’identité, et aucune n’a une pièce d’identité conforme à son identité. La plupart a à peine terminé le cycle primaire et vivent des métiers informels, ce qui ajoute à leur précarité. Bien que la majorité des médecins estiment qu’il est juste d’attendre que les personnes choisissent elles-mêmes la solution la mieux adaptée à leurs besoins, une partie importante préfère encore recourir ou recommandent des mutilations. Le degré de préjugés et d’idées reçues sur les personnes intersexuées est particulièrement élevé et démontre l’ampleur du travail d’information, de formation et de communication autour du phénomène de l’intersexuation au Cameroun», peut-on lire dans ce document.

Pour mémoire, L’intersexuation, aussi appelée intersexualité, se définit selon l’ONU comme « une manière de décrire les caractères sexuels biologiques d’un individu, notamment ses organes génitaux, ses gonades, ses taux d’hormones et ses chromosomes lorsque ces caractères ne correspondent pas aux définitions traditionnelles du sexe masculin ou féminin.

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